J''ai eu l'infortune de me nourrir des rêves et des visions de grands américains: de poètes et de voyants. C'est une autre race qui l'a emporté. Ce monde qui se forme me fait peur. Je l'ai vu germer; je puis le déchiffrer comme un calque. Ce n'est pas un monde où j'ai envie de vivre. C'est un monde fait pour des monomaniaques obsédés par l'idée de progrès...mais d'un faux progrès qui pue. C'est un monde encombré d'objets inutiles que, pour mieux les exploiter et les dégrader, on a enseigné aux hommes et aux femmes à considérer comme utiles. Le rêveur aux songeries non utilitaires n'a pas place dans ce monde. En est banni tout ce qui n'est pas fait pour être acheté et vendu, que ce soit dans le domaine des objets, des idées, des principes, des espoirs ou des rêves. Dans ce monde, le poète est un anathème, le penseur, un imbécile, l'artiste, un fugitif, le visionnaire, un criminel. Henry Miller, le cauchemar climatisé